Réaliser le rêve d’un mode de vie durable
13 juillet 2021 – Pontgouin, France
Au Centre Amma de Pontgouin, en France, certaines familles ont créé un éco-hameau sur un terrain proche. Leur but est de vivre à proximité du centre pour le soutenir et participer à ses actions humanitaires, avec l’intention de créer une communauté incarnant un mode de vie écologique, solidaire et respectueux pour tous.
Mathieu Labonne est à la fois le coordinateur du centre de la Ferme du Plessis et l’un des constructeurs de l’éco-hameau. Il raconte les débuts de l’expérience, la situation actuelle et les perspectives d’avenir.
Notre vision
Cet éco-hameau est un moyen pour nous de réaliser notre rêve d’un mode de vie durable et d’un voisinage solidaire. La mise en commun des ressources permet une plus grande autonomie alimentaire et énergétique. Je pense que la vie en communauté est la clef d’un mode de vie durable. À titre individuel, il est impossible de devenir autonome, mais on peut partager compétences, biens et temps pour produire une partie de sa nourriture, construire des maisons et organiser des activités culturelles.
Swamini Amritajyoti Prana est présidente d’ETW-France et directrice du Centre Amma de Pontgouin. « Nous avons eu beaucoup de chance d’avoir pu acheter cette terre, juste à côté de l’ashram. Parmi vous, certains voulaient venir servir à l’ashram, tout en ayant une maison à eux. Ce qui est merveilleux, c’est que l’éco-village instaure un équilibre entre vie privée, bénévolat et pratiques spirituelles », nous a-t-elle déclaré.
Ses paroles nous ont procuré l’encouragement et le soutien dont nous avions besoin. Le premier objectif de l’éco-hameau est de permettre à ses membres de vivre à proximité du centre, ce qui facilite la gestion et garantit une résilience, car en cas d’absence de quelqu’un, une autre personne peut en faire un peu plus pour assurer le service et le soutien à tous les niveaux.
Construite uniquement avec des matériaux naturels, notre maison familiale est si bien isolée que 2m³ de bois suffisent à chauffer 140m². Nous avons trois enfants et en tant que parent, cela m’aide beaucoup de les voir grandir dans une communauté comprenant beaucoup d’amis et d’adultes en qui ils peuvent avoir confiance. Côté nature, les enfants grandissent avec une conscience écologique tout en jouissant d’un merveilleux terrain de jeux avec les 4 hectares d’espaces verts.
L’origine du projet
Depuis les débuts du Centre Amma à Pontgouin en 2002, des gens sont venus vivre dans les environs pour participer au fonctionnement du lieu. Plusieurs de ces « voisins » ont fait part de leur aspiration à un mode de vie en lien avec leurs valeurs d’écologie, de mutualisation et de solidarité. Certains se sont fortement impliqués dans le développement des jardins de la Ferme du Plessis et dans la transformation de ce lieu en éco-site pédagogique, utilisant les techniques de la permaculture.
En 2014, un premier groupe d’une petite dizaine de personnes a commencé à réfléchir à la création d’un éco-hameau et a acheté en 2017 une parcelle de 4 hectares située seulement à 150 m du Centre Amma. Les habitants de l’éco-hameau veulent incarner un mode de vie écologique, solidaire et respectueux en trouvant un équilibre entre l’intimité et la souveraineté individuelle d’une part et une vie collective qui facilite le partage et le lien social, d’autre part.
Le projet est porté par un type particulier d’association, qui sert à gérer les biens communs. Chaque foyer possède une petite parcelle privée de terrain, soumise à un règlement de construction qui contraint les choix individuels : toilettes sèches obligatoires, matériaux bio-sourcés, respects de l’architecture locale, exigence thermique, etc.
Ces choix permettent donc d’assurer une haute qualité écologique, tout en laissant chacun responsable des travaux de sa maison. Le mode constructif, y compris l’auto-construction, relève d’un choix individuel tandis que l’association collective gère la construction et l’entretien des espaces communs.
Le collectif et la gouvernance
Le projet comporte 28 parcelles entourées de grands espaces communs. 27 foyers ont déjà acheté une parcelle. Les profils des participants sont très variés et traduisent en particulier un souhait de mixité générationnelle. Un processus d’inclusion permet aux membres du projet de choisir leurs futurs voisins.
Des week-ends en plénière tous les trimestres depuis de nombreuses années ont permis de construire une confiance entre les membres. Des résidents officiels du centre Amma y participent aussi. Cet engagement commun est essentiel pour garantir une gouvernance efficace et relativement légère pour un éco-hameau de cette taille. La force du collectif tient donc en partie à l’ancrage commun dans l’enseignement d’Amma qui montre comment vivre en tant qu’individu au service d’une communauté plus large et de la nature qui nous entoure.
Aujourd’hui l’éco-hameau est administré par un comité de pilotage constitué de sept personnes élues suivant le principe de « l’élection sans candidat » connue également sous le nom d’élection par consentement. Cette méthode est directement issue du processus sociocratique (c’est-à-dire à gouvernance partagée) où la communauté offre des rôles aux gens qu’elle sent les plus appropriés au lieu d’élire des candidats qui se présentent individuellement d’eux-mêmes. Une fois choisis, les individus décident d’accepter ou pas les responsabilités.
En parallèle, des pôles composés de 5 à 8 personnes gèrent différents aspects de l’éco-hameau : les jardins, les travaux, la communication… La gouvernance se construit peu à peu avec l’intention d’être à la fois efficace et participative et les prises de décisions se font généralement suivant le processus de la décision par consentement.
La dimension écologique
Les habitants de l’éco-hameau se sont en particulier rassemblés sur une grande motivation écologique et sur la recherche d’autonomie, avant tout alimentaire, mais aussi en énergie et en eau. Le règlement de construction garantit que les maisons sont en matériaux bio-sourcés, quasi passives, chauffées sans énergie fossile, avec toilettes sèches, eau chaude solaire… Chaque maison trouve ses propres solutions pour obéir à ces contraintes et le projet constitue ainsi un véritable laboratoire en éco-construction.
Le collectif a fait le choix d’un assainissement écologique en installant 3 phyto-épurations. Ainsi les eaux grises (ou eaux usées domestiques) sont recyclées et réintègrent le cycle naturel de l’eau. La conception globale du système de gestion de l’eau intègre des petits vallons, des étangs et des bassins… car localement, les hivers sont humides mais les étés très secs.
L’aménagement général des 4,3 hectares a été conçu sur la base de la permaculture afin de faciliter son entretien à long terme. Plus de 100 grands arbres ainsi qu’une forêt nourricière ont déjà été plantés. Cet aménagement permet d’aller progressivement vers la production d’une partie de la nourriture des habitants, avec des potagers collectifs proches des habitations.
Enfin, la mutualisation de bâtiments communs aide à réduire l’empreinte écologique des habitants. Ainsi des buanderies collectives ou des chambres d’amis dans la future grande maison commune permettent de construire des plus petites maisons qui n’ont pas besoin de leurs propres machines à laver et peuvent avoir moins de chambres.
Une porte ouverte vers un monde plus juste
Le projet est encore en phase de construction avec 11 maisons habitées ou en cours de construction sur les 28 à construire au total. La première famille a emménagé fin juin 2019 et il y aura encore des chantiers au moins jusqu’en 2024. Mais le projet attire déjà beaucoup de visiteurs lors de visites guidées mensuelles. En France, de plus en plus de citoyens rêvent de créer ce genre de cadre de vie. Le projet est actif au sein du réseau Oasis, un vaste réseau d’éco-lieux français.
Il est cependant rare de voir des éco-lieux aussi grands en France, où la plupart d’entre eux regroupent moins de 15 familles. La capacité à réussir un projet d’une telle ampleur tient en particulier aux idéaux qui unissent les habitants. Sans l’enseignement d’Amma et l’amour que lui portent les habitants, il aurait été impossible de monter aussi facilement un projet d’une telle ampleur. Cet éco-hameau est une preuve de plus que la compassion en action d’Amma ouvre la porte à un monde plus juste, solidaire et écologique.