Les hommes et les garçons : des acteurs clefs pour parvenir à l’égalité des sexes
29 juin 2021 – New Delhi, Inde
Hommes et garçons ont jusqu’à présent été largement exclus des débats sur la promotion de l’égalité des sexes. La plupart des programmes conçus à cette fin s’attachent à donner aux femmes et aux filles davantage d’opportunités et de ressources pour leur permettre de mener une vie meilleure. Si ces efforts sont essentiels et ont aidé d’innombrables femmes, des recherches montrent que les effets de ces programmes s’inscrivent souvent sur le court terme, sans assurer l’autonomisation des femmes à long terme.
De plus en plus de preuves montrent que ce phénomène s’explique principalement par le fait que les communautés au sens plus large ne sont pas prêtes à intégrer cette évolution dans leurs normes culturelles. Il est également bien reconnu que l’homme continue d’agir comme une sorte de gardien du changement social, jouant un rôle essentiel dans la détermination de ce qui est acceptable pour une communauté.
Cela veut dire que, pour véritablement assurer la pérennité de l’égalité des sexes, il faudra l’implication des femmes et des hommes. Ce déséquilibre n’est pas seulement un problème de femmes mais une question des droits de la personne qui touche tous les membres de la société. L’engagement des hommes et des garçons s’avère donc crucial pour trouver une solution.
Pour commencer à instaurer un changement de paradigme, Transforming ‘MEN’talities: Gender Equality and Masculinities in India a été rédigé en collaboration entre UNESCO New Delhi et notre Chaire UNESCO sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes à Amrita Vishwa Vidyapeetham. Sous la direction du Dr Bhavani Rao R, le rapport a été rédigé par les chercheurs universitaires, M. Christopher Kripasagar Coley et Mme Kripa (CM) Gressel.
« En proposant des moyens uniques d’impliquer hommes et garçons dans l’égalité des sexes, le rapport cherche à intégrer aux débats sur l’égalité des sexes l’idée des hommes avec les femmes, plutôt que contre elles », explique Eric Falt, Directeur de l’UNESCO New Delhi.
Le rapport est axé sur le rôle que les hommes et les garçons peuvent (et devraient) jouer pour parvenir à l’égalité des sexes en Inde, une nation riche de sa grande diversité culturelle. Il définit des perspectives servant de base à l’application de ses conclusions à l’échelle mondiale. Tout ceci donne naissance à une vision et des actions permettant de faire face aux persistantes inégalités que subissent les femmes et les filles et de démystifier les rôles sociaux attribués en fonction du sexe et de l’origine.
« Ce rapport constitue par essence un prolongation théorique de la citation d’Amma : ‘Tout comme les deux ailes d’un oiseau, femmes et hommes sont de même valeur car, s’ils n’arrivent pas à s’équilibrer parfaitement, l’humanité ne peut progresser’, explique Mme Gressel. Nous gardons cette citation au cœur de toutes les actions que nous menons au Centre Amrita pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Nous nous efforçons de diffuser ce message dans le grand public. Hommes et femmes ne peuvent survivre les uns sans les autres, et il est impératif que nous trouvions des moyens de répondre aux actuels déséquilibres de pouvoir et aux inégalités, de sorte que les deux sexes puissent être heureux ensemble et s’épanouir. »
En tant qu’un des champions des objectifs de développement durable des Nations Unies, le mandat global de l'UNESCO correspond au 5ème objectif : combattre à la racine toutes les formes de dépossession des femmes et remodeler les normes sociales qui perpétuent la discrimination fondée sur le sexe.
Le rapport plaide en faveur d’un changement non seulement au niveau communautaire mais aussi à l’échelle de l’individu et de la famille, grâce à la législation, l'éducation et la sensibilisation. Il affirme que l'inégalité existe en premier lieu dans nos esprits, dans nos visions biaisées et nos préjugés, et se trouve renforcée par la société dans laquelle nous vivons. Une révolution sociale doit donc aller de pair avec une révolution des esprits.
Il est également reconnu que la meilleure façon d’inspirer un tel changement personnel passe par la création d’environnements sociaux favorables et progressistes. Nombre de parties prenantes peuvent y contribuer : ministères gouvernementaux, programmes des ONG, groupes religieux locaux, établissements scolaires et autres organisations de terrain. Ce rapport émet des recommandations stratégiques sur les moyens qu’ont ces groupes pour augmenter l’implication des hommes et des garçons dans la promotion de l’égalité des sexes.
Il est urgent que ces recommandations puissent accélérer les changements positifs au sein de notre société.
« Il est inacceptable que, selon de récentes découvertes, il puisse falloir environ 136 ans pour que femmes et hommes arrivent à la parité des sexes, dans de nombreux domaines : possibilités économiques, pouvoir politique, éducation ou santé », a déclaré Gabriela Ramos, Directrice générale adjointe pour les sciences sociales et humaines à l’UNESCO. Je suis effrayée de lire qu’une femme sur trois dans le monde – soit 736 millions de femmes, chiffre stupéfiant ! – est susceptible de subir des violences physiques ou sexuelles. Il n’est pas non plus acceptable que, malgré l’adoption de politiques et les pratiques en faveur de l'égalité des sexes, le progrès en la matière soit si lent. »
L’épidémie de Covid-19 a éclaté juste après le début de l’étude, définissant un tout nouveau contexte pour la perpétuation des violences commises à l’encontre des femmes et des filles, en particulier les violences conjugales, tandis que les populations faisaient face aux conséquences médicales, aux mesures de confinement et au chômage dûs à la pandémie. Il s’avérait d’autant plus urgent que l’équipe réponde à ces problématiques dans ce contexte.
« L’université Amrita, dans le prolongement de la vision inspirée d’Amma, est particulièrement bien placée pour rédiger ce rapport. Les messages et recommandations, ainsi que le point de vue utilisé pour aborder l’ensemble de ces questions sensibles et complexes, sont ancrés dans les œuvres caritatives accomplies par l’université, a déclaré M. Coley. C’est à partir des nombreuses expériences liées au projet des 101 villages adoptés, en travaillant avec compassion aux côtés des villageois, que nous pouvons mieux comprendre les problèmes auxquels sont confrontés ces personnes. Nous nous sommes efforcés de faire transparaître cet esprit de service dans le rapport afin de souligner, comme le dit Amma, que le premier des problèmes, c’est le manque d’amour et de compassion, et pas simplement le manque d’argent et la pauvreté matérielle.
»Les principaux messages et recommandations du rapport présentent des moyens de trouver des solutions positives et unificatrices afin de parvenir à une véritable égalité des sexes :
L’implication des hommes et des garçons dans l'égalité des sexes et l’autonomisation des femmes devrait constituer une priorité pour l'ensemble des parties prenantes.
Il importe de commencer tôt : l’implication des jeunes, en particulier des jeunes garçons, présente un vaste potentiel de transformation.
Prendre soin de la santé mentale peut contribuer à réduire la violence et la discrimination fondées sur le sexe.
Il est crucial de donner la priorité à l’amélioration de l’application des lois et du système de justice pénale.
- Garantir l’inclusion en renforçant l’implication des parties prenantes en milieu rural et en répondant aux préoccupations environnementales.
- Mettre l’accent sur la mise en place de l’égalité des sexes en changeant les normes sociales et culturelles.
- Réaliser que plusieurs types de virilité existent et doivent être reconnus.
- Faire la promotion des valeurs des parties prenantes : transparence, responsabilité, collaboration et convergence.
Ce rapport cherchait à établir une feuille de route expliquant comment l’Inde peut impliquer au mieux les hommes et les garçons dans l’égalité des sexes. Ces concepts ne sont qu’un début et exigent la coopération et la collaboration d’experts dans chaque secteur. Le rapport s’appuie sur plusieurs domaines dont l’histoire de l’Inde et la sociologie ; il examine l’évolution du droit indien au cours des 70 dernières années et évalue les efforts réalisés par près de 100 parties prenantes.
Une des principales conclusions est qu’en Inde quasiment rien n’a été fait pour impliquer les hommes et les garçons dans l'égalité des sexes. Les impliquer exigera une mobilisation stratégique des ressources et un solide leadership pour apporter des changements durables. Il y a néanmoins plusieurs exemples de réussite et beaucoup d’espoir pour l’avenir.
Le rapport espère obtenir une évolution fondamentale des points de vue du fait que la reconnaissance de l’égalité des sexes est essentiellement un phénomène relationnel relevant d’une dynamique de pouvoir, de ressources, et d’accès aux opportunités. Les solutions doivent permettre de trouver un équilibre où chacun puisse s’épanouir et participer à la conception et à la mise en œuvre des interventions. Ces méthodes participatives et inclusives constituent la base de ce que les Nations Unies appellent les approches transcendant les genres, les approches les plus susceptibles de réussir durablement.
Le cœur de « transforming the MEN’talities » est un processus social aux profondes conséquences personnelles où les hommes et les garçons ont également le pouvoir de faire une évaluation critique des normes nationales et régionales de virilité et de remettre en question les stéréotypes genrés ainsi que les attitudes et comportements négatifs.
On peut y parvenir grâce à divers moyens et à des axes croisés de réflexion, mais la démarche doit partir de l’empathie et de la compréhension de la complexité et de la variété des divers héritages culturels et de leur influence sur l’archétype masculin.
Pour adapter une citation du visionnaire Nelson Mandela : « L’oppression des autres pour des raisons de genre ne vient pas à la naissance, elle est apprise. Si on peut apprendre à opprimer, on peut aussi apprendre à faire le contraire. »
Cette transformation positive, déjà en cours, promet de se poursuivre et de faire advenir une Inde où tout le monde a la chance de s’épanouir et de progresser, en étant débarrassé des fardeaux liés à la discrimination en fonction du genre et des rôles sociaux limités. Les autres nations et cultures pourront évaluer et adapter ces solutions révolutionnaires à leur contexte social spécifique.
Pour accéder à l’intégralité du rapport : cliquez ici